Et ce matin, après une nuit comme une plongée en eau noire (coucher à 20h30, épuisée), c'est le réveil (dont je me suis empressée de décocher l'alarme) qui m'a réveillée.
Les mauvais coups, les mauvais jours.
La mauvaise année, quand je suis arrivée dans le Loir et Cher, dans école rurale dirigée par... Une folle. Je me suis sentie si seule... Plus tard j'ai su que chaque collègue qui passait là subissait le même traitement: mépris, dénigrement (auprès des parents, de l'inspecteur!!), mesquineries.
Le prénom oublié du collègue à peine connu, le jour de la pré rentrée. Qui c'est donné la mort dans la nuit qui a suivi.
Ce petit affolé par la mèche rouge de l'ATSEM. Son père avait éventré le chien de la famille devant les enfants. Plus tard, alors que la mère avait réussi à quitter le domicile avec les enfants, il les avait poursuivi en voiture et les avait fait sortir de la route.
Et que dire de cet enfant pour lequel nous avons lutté, signalé, alerté. En vain. Alors qu'il subissait, sans doute aucun, des sévices sexuels. Qui est resté dans la famille, quelques années encore. Et c'est suicidé à l'âge de 14 ans... Cette petite (3 ans) qui de but en blanc me demande: "Tu le sais, hein, que mon papa il est mort?". Il avait attendu que son ex compagne arrive avec la fillette (pour le week-end de garde) pour se mettre un coup de fusil dans la tête. Devant elles...
Cet autre père (une autre fillette tellement traumatisée, déjà, avant!) qui avait pris sa famille en otage et a fait sauter l'appartement avec la bouteille de gaz (c'est lui qui a été éjecté de l'immeuble par le souffle).
Ces deux fois, à des années d'intervalle, où je me suis placée, physiquement, entre le parent menaçant (un père, une mère), le poing levé, et le, la, collègue.
Et que dire de ces appels aux gendarmes? Pour arrêter un homme violent qui a poursuivi sa compagne battue jusqu'à l'école (où nous l'avions cachée), pour arrêter deux mères qui se battaient, coups de pieds, de poings, sur le parking de l'école, devant les gosses (quand ils sont arrivés elles étaient rentrées mettre de la glace sur leurs bleus)...
Cet enfant qui, alors que nous allions la remettre à ses parents nous parle de ce que papa...
Et il y a eu ces enfants, démolis déjà, fous d'angoisse, fous de manque, fous... Et dont nous devions gérer les crises, les accès de rage. Alors qu'il n'y avait (il n'y a plus) pas de place pour eux à l'hôpital, il n'y avait (il n'y a plus, quasi) de pédo psy, de service de psychiatrie infantile (la nouvelle inspectrice a une méthode, elle assène: "Si cela ce passe mal c'est que vous ne savez pas faire; que vous êtes incompétent-e..").
Oui, des mauvais coups, des mauvais jours.
Sans, c'est une constante, le soutien de la hiérarchie.
Avec, et c'est ce qui permet de tenir, de survivre, de se reconstruire, de grandir, les collègues, des amis.
Des larmes (boite de mouchoirs au milieu de la table) aux rires salvateurs.
Merci Valérie, David, Marie, Camille, Alexandra...
Soyez forts!
Tout ça est horrible mais même quand vous étiez impuissante, vous avez tenu bon et fait de votre mieux.
RépondreSupprimerMme Chapeau.
Oui, nous avons fait face. De notre mieux (même si le mieux n'a pas été suffisant, souvent).
SupprimerComme je retrouve ce que j’ai vécu aussi. Les menaces de mort, un signalement qui n’aboutit pas : ce n’est pas possible, vous inventez, les sont médecins, laissez tomber. Une petite placée en foyer après les agissements de son beau père je la retrouve 10 ans après et elle me remercie de l’avoir sauvée . Des parents qui se battent dans la cour de l’école…. Une plainte contre moi pour enlèvement parce que le petit était parti en classe de découverte…
RépondreSupprimerOn tient, on tient, Heureusement on a la famille
Personne, qui ne soit du métier, ne peut imaginer le pire de ce que nous pouvons rencontrer, vivre.
SupprimerOui, heureusement il y a la famille et les amis!
Et que dire de cette enseignante remplaçante à qui je demandais de remplacer le mot papa par celui de papy pour le dessin de la Fête des Pères ? Ma toute petite avait 3 ans et demi et son papa venait de décéder. Réponse de la jeune maîtresse : " Je fais dans les généralités, pas les particularités ". Cette année-là, elles étaient deux jeunes élèves à avoir perdu leur papa. A ce propos, on m'avait dit que sur une classe, il y avait, en général, un orphelin. Effectivement, dans les années suivantes, j'ai pu souvent le constater dans les différentes écoles de mes 6 enfants.
RépondreSupprimerJe confirme, pour les orphelins. Et pour les enfants qui n'ont qu'un parent présent. Ou qui sont placés...
SupprimerJe n'ai jamais fait faire de carte de fête des pères/des mères (quitte à me faire incendier par des parents frustrés, incapable de recul). Nous fêtions "les gens que j'aime/qui m'aiment".
Tu travaillais dans la gendarmerie, la police municipale, les forces spéciales peut-être ??
RépondreSupprimerBleck
Je travaillais au plus prés des familles en tout cas. Parfois projetée dans des situations... En fait l'école est le reflet de la société. Et pendant quelques années, si importantes pour les enfants, nous faisons partie de la vie de famille...
SupprimerCe sont des moments qui m'ont également marqués tant ces situations sont cruelles pour les enfants. Je m'en décharge encore régulièrement auprès d'oreilles attentives. Merci également à toi, Anne, pour toutes ces années où nous avons travaillé main dans la main.
RépondreSupprimerOui, tout ça ! Et après faut venir travailler avec le sourire, la bonne humeur et la créativité ! Tout pareil... malheureusement... Sauf l'inspecteur, un nouveau cette année, peut-être plus humain ? faut voir...
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