jeudi 1 mai 2025

Les temps d'être (et un peu d'avoir, aussi).

Non, non! Je ne vais pas vous faire faire de la conjugaison!
(Encore que... Il est question, ici, de temps et de personnes (Gilles et moi) (Les profs disent aussi de nombres. Mais les profs ont tendance, parfois, à compliquer ce qui est simple. Et quand c'est compliqué, comme la conjugaison, alors là...)) 
Donc, être...
(et je commence par moi. Pour une fois)
Être là, dans l'instant présent, est un nouvel apprentissage, pour moi, que je fais au yoga, en marchant. 
Jusque là ma tête a toujours eu priorité sur mon corps. 
J'ai toujours été en train de réfléchir, de penser, de résoudre, de planifier, de me souvenir.
Pas que ce fût inutile, anormal, bizarre. 
Non, et c'est ainsi que je suis "construite", je crois.
Le "je pense donc je suis" a toujours prévalu sur le "je respire donc je suis".
Mon corps, comme une brave bête qu'il est, a suivi le rythme, freinant parfois à coup de migraine... M'imposant le coucher tôt, lessivé.
Je n'ai jamais vraiment pris soin de lui.
Je n'ai jamais été, je ne suis pas, de celles qui passent des heures en maquillage, en soin de la peau, en coiffeur. Comme qui dirait, "c'est pas mon kif". Là dessus je ne changerai pas, je crois. 
Telle j'ai été, telle je suis, telle je serai (en me patinant, me ridant, en me blanchissant, cela ne me dérange pas).
Mais, j'essaie, désormais, de prendre plus soin de mon corps, d'être plus là, présente à l'instant, à l'éphémère, au fugace.
Je me concentre sur mon souffle, sur mon pas, sur l'odeur de l'air, je cherche ce qui sent si bon (idem pour les mauvaises odeurs, pour les fuir), je ressens le poids de mes chaussures, leur humidité.
J'écoute le silence et ce qui le brode, les chants d'oiseaux, le froissement de l'herbe, le chiffonnement des feuilles, les cris d'effroi (désolée, vraiment je ne voulais pas vous déranger!) des faisans et des chevreuils.
Je prends le temps de regarder. Parfois sans arrière pensée photographique...
J'essaie d'être là, maintenant, physiquement (mais, on ne se refait pas, n'est ce pas? je ne peux m'empêcher "d'intellectualiser" la démarche (la démarche?! des marches?))...
Et puis, beaucoup plus, depuis janvier, je suis aux côtés de Gilles.
Ce qui induit d'être, très souvent, complètement à côté de la plaque...
Être paumée, dans le flou, larguée...
Gilles est, lui, dans la vie, beaucoup plus dans l'instant que moi, et, c'est le paradoxe, ailleurs, complètement.
Je vous explique:
Gilles vit en absorbant, en direct, tout ce qu'il voit, entend, perçoit. 
Ses cinq sens constamment éveillés, il voit, entend, sent, goûte, touche et, cerveau alerte (pas en alerte, s'il est question de planning, d'horaires, de plans, il plane) fait des liens, des raccourcis, des mélanges, recettes express, avec des souvenirs, des références, des...
Et il en ressort, de façon inopinée, la citation d'un film, d'une série (et généralement je n'ai même pas la réf), il est capable, sans crier gare (et parfois, ce serait nécessaire, cela m'éviterai de sursauter), de se mettre à chanter, en yaourt (c'est sa spécialité, les enfants l'appellent "Jean-Michel Àpeuprès") et à tue tête, un vieux nanar (là c'est les gosses qui n'ont pas la réf (Dalida, Claude François, Higelin et des gloubiboulga en "anglais")). Me prenant au dépourvu, il lui arrive de reprendre une conversation où il l'avait laissée des minutes plus tôt. Ou qu'il avait avec lui même m'y incluant à brûle pourpoint (pense t-il vraiment que nous en sommes à la télépathie?).
Gilles est capable de crier aux "frontières" du département (il n'y a pas d'explication, c'est "traditionnel").
De reconnaitre un des nombreux élèves qu'il a servi au cours de sa carrière et le déstabiliser en lui parlant de son goût immodéré pour les frites, des mois, des années, après, en un lieu où le gosse, devenu adulte, peine à le reconnaître...
Il interpelle le marchand de légumes, et le charrie dans ses rayons, comme il le faisait lors des livraisons, au cul du camion.
Gilles reconnaît tout ceux avec qui il a travaillé, qu'il a servi, avec qui il a joué au rugby, bu un coup en troisième mi-temps... (Alors que je peine à reconnaître la "nouvelle" voisine (un an, au moins, qu'ils sont là) (il faut dire qu'elle ne s'est pas officiellement présentée)). Cela ne nous place pas sur un pied d'égalité quand il me parle, brutalement, de Machinechouette, de Trucmachin, n'est ce pas? (auquel il vient de penser parce que nous sommes passé là..., ou parce qu'à la radio on a parlé de...)
Traversant le parking du supermarché il me parle de la "voitur'peluche". Et s'étonne de mon étonnement (mais de quoi parle t-il?): nous venons de passer à coté d'une voiture dont la plage arrière est couverte de peluches! (je ne regarde pas les voitures, elles ne m'intéressent pas, mon regard glisse sur elles (d'ailleurs pas question de reconnaître quelqu'un dans une voiture!! Il ne faudrait pas complexifier les choses!) (Il va pourtant me héler, lors de nos trajets, pour me signaler tel ou tel véhicule de luxe, ou rare, ou vieille bagnole... "Si, si, c'est la même que ce matin, à coté de chez Victor et Emma! Le béquet (Keskesékeça?) est cassé!" Ok...).
Être avec Gilles c'est vivre de farfelu et de poésie (même si, parfois, j'avoue, qu'interloquée, je m'agacerai bien de ne rien arquer...).
Bref! Dans ces "être" j'ai (verbe avoir, je vous avais dit que j'en mettrais un peu) beaucoup de bon, de bien, non?

Et vous? Être... Vous le conjuguez comment?

2 commentaires:

  1. Il est génial ton article !!! Et Gilles est en effet un être farfelu à souhait ! :D Tu ne dois jamais t'ennuyer avec lui !
    je suis comme toi je ne reconnais personne et surtout pas en voiture. Quand je dis personne, c'est même terrible, je ne reconnais pas les parents d'élèves qui viennent chercher leurs enfants tous les jours pourtant !!!
    j'ai moi aussi du mal à être dans le moment présent surtout quand je suis contrariée et un rien me contrarie, en ce moment je suis servie ! je peux donc relire 5 fois la même phrase ou remettre en arrière 6 fois le même passage d'un film avant de réellement le comprendre puisque je pense à tout autre chose en même temps. J'aimerais vraiment avoir un bouton pause sur mon cerveau ! Même ce matin en marchant, mon cerveau moulinait ! Heureusement que j'ai la photo pour me concentrer sur mon environnement !

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    1. C'est gentil! Je l'ai (l'article) laissé maturer tranquillement et..
      Jamais je ne m'ennuie avec Gilles, en effet!
      Savoir glisser sur les contrariétés n'est pas simple. Peut-être en se demandant si l'on a "prise" sur cette réalité, ou non. Pas de prise: pas de prise de tête...

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