C'est la suite de l'histoire de Laurène:
Mais ce n'est pas possible!!! C'est déjà assez pénible comme ça, devoir, chaque jour, arpenter les couloirs sans fin, se faire bousculer dans les escaliers, devant les casiers. Et voilà qu'ils nous confinent!
Mais ce n'est pas possible!!! C'est déjà assez pénible comme ça, devoir, chaque jour, arpenter les couloirs sans fin, se faire bousculer dans les escaliers, devant les casiers. Et voilà qu'ils nous confinent!
PPMS qu’ils appellent ça.
C'est un exercice. Dès fois qu'il arrive quelque chose... Il n'arrive jamais rien ici. Le collège c'est la jungle ordinaire et morne. Je passe de classe en classe, de prof en prof, sans que personne ne me voit. Ne me voit réellement. Ne me voit autrement que pour se moquer, pour critiquer. Personne ne voit rien de positif en moi. Pour eux, tous, je suis l'idiote, la gourde, la bouseuse, la moche, la Rémi.
Mais aujourd'hui c'est PPMS. Nous devons rester enfermés (au moins je ne me ferai pas bousculer) en attendant que la tempête virtuelle, celle qui passe "pour faire semblant" au dessus du collège, aille sévir ailleurs.
Les autres gloussent, se ruent sur les jeux de cartes distribués pour les occuper derrière les volets fermés (pour moi on aurait pu continuer les cours comme si rien n'était), s'exclament. Il y en a même qui attrapent leur portable dans le fond du sac pour annoncer "l’évènement" à leurs copains, dans la même galère. Éventuellement à leurs parents, affolement assuré pour certains...
Je me cale dans un coin et je me concentre sur Litus, le lutin de la classe 107. Il est perturbé par cette agitation. Il ne supporte pas, le pauvre, les classes bruyantes. Il c'est réfugié sous l'armoire et se bouche les oreilles avec des boules de papier. Je me demande comment il est arrivé là, dans ce collège. Il semble être fait pour le silence et la contemplation. La ville a du envahir son territoire. Ca se trouve le collège a été bâtit sur un jardin, un bois, des prés herbeux. J'essaie d'imaginer le lieu avant...
Je suis en train d'écrire quand je sens un regard sur mon cahier. Je me crispe. La dernière fois que c'est arrivé c'était ma prof de Français qui s'était penchée au dessus de mon épaule et qui s'est exclamée: "Mais c'est drôlement bon ce que tu écris!"
Me laissant stupéfaite. Avant d'ajouter: "Mais ce n'est pas du tout l’exercice que j'ai demandé".
Elle m'a retenue à la fin du cours pour me mettre une heure de colle et me proposer de prendre en charge le journal du collège. Je lui ai répondu que je n'avais rien à raconter sur le collège. Elle, elle s'est perdue dans la liste de tout ce que je pourrais écrire sur le tournoi d'échec, le club de théâtre, la chorale, l'UNSS, le foyer coopératif, le...
J'étais interloquée. Mais de quoi parlait-elle?
Elle a laissé tomber. Pour le moment. Je suis sure qu'elle ne va pas me lâcher avec ça...
Là ce n'est pas la prof de Français, de toute façon nous sommes avec le prof d'histoire géo, dont je n'arrive pas à imprimer le nom. Le grand gorille poilu. Aucun élève n'ose se moquer de ses mains, son cou velu à cause de ses deux mètres (au moins) et de ses 120 kilos (surement), au moins en sa présence, mais les lutins du hall imitent le singe en sautant de poteau en poteau quand il le traverse pour aller en salle des profs.
Non, ce n'est pas le prof qui lis ma description de Litus et ses larmes de frustration de devoir, encore, supporter le brouhaha des voix et les grincement des chaises sur le lino. Non, c'est le nouveau.
Le nouveau est très nouveau. Il vient d'arriver. Il est aussi le premier noir du collège.
Si, si, le premier. Il y a bien quelques gosses d'émigrés, deuxième, troisième, voire plus, génération de marocains, algériens, turcs, quelques métis café au lait. Mais Joseph est le premier noir vraiment noir. J'ai cru comprendre qu'il arrivait directement d'Afrique adopté par un oncle.
Et il est un Rémi comme moi.
Non, pas comme moi. Il est seul mais il semble s'en moquer. Il rit, il interpelle l'un ou l'autre, s'impose à une table à la cantine en riant. Il chante dans les couloirs. Il danse aussi, parfois, dans le hall.
Il déstabilise les autres. Les désarçonne.
Les autres l'évitent avec méfiance mais ne s'attaquent pas à lui, ne le bousculent pas dans l'escalier (il faut dire qu'il est plutôt grand pour son âge), ni devant les casiers.
Joseph me souffle: "Cool!"
Et me montre son propre cahier.
Il est couvert de gribouillis. Là où j'écris lui dessine.
Le collège dans les fleurs et les arbres.
Je le regarde mieux.
Il a sur la tête de petites tresses raides qui biquent, il a un grand front lisse comme une plaque de chocolat noir (le 70%, celui dont je raffole), il a des yeux curieusement clairs, gris? verts? et sous son nez fin sa bouche éclate d'un sourire blanc de toutes ses dents. Ouha...
"J'aime beaucoup ce que tu écris" et il me montre Litus."Tu le vois comme ça?"
Ben mince...
Il est aussi fou que moi.
Rahhh... Zut!
L'exercice est terminé.
Et le prochain cours est le sport.
Je ne peux pas détester le sport plus que ça. Je suis nulle. Je n'attrape jamais une balle (en même temps ils ne m'envoient jamais une balle. Ou alors en pleine tête), je ne suis jamais choisie dans l'équipe. En sport je ne peux pas cacher que je suis nulle. Je ne peux pas me cacher. Je ne peux pas lire, ou écrire.
Joseph, me tape légèrement sur l'épaule: "Ça ne dure qu'une heure et il fait beau."
Soupir.
Son sourire m'éclate à la figure: "On se retrouve à la cantine?"
A vous...
J'avais loupé l’épisode précédent de l'histoire de Laurène. Voilà, c'est rattrapé!
RépondreSupprimerJe l'aime bien!
Tant mieux!
Supprimerje retente un commentaire, le précédent a disparu !
RépondreSupprimerje dirais même plus, je l'aime beaucoup ! Génial ce chapitre, j'aime beaucoup cette rencontre et cette opposition dans la façon de vivre une même chose.