mardi 5 février 2019

Au grenier.

Suite de l'histoire de Laurène:


Je me cale le long de la malle. Une malle au trésor? Aux trésors?
Je l'ouvrirai, un jour...
En attendant qu'il soit temps je me laisse aller à rêver.
Ce grenier est sombre, poussiéreux comme il sied à tout grenier. Il est encombré d'objets au rebut. Il semble vide et habité à la fois. Mon imagination s'emballe. Je vois le lutin du grenier assis sur la poutre. Il me regarde contrarié que je l'ai dérangé. Je me fais toute petite pour qu'il m'oublie.
Et il m'oublie. Les lutins de grenier ont à la fois une mémoire fabuleuse, celle des temps passés, et une mémoire de poisson rouge, celle du présent. Ils ne sont pas dans l'instant. Sauf à y collectionner de menus moments, des parcelles de vie. Des gouttes de bonheur s'ils sont de bonne humeur. De l'extrait de douleur les jours de malheur.
Mon lutin du grenier s'appelle... Lucien? Hector? Hugo?
Kobold! Oui, c'est son nom. Il est âgé et il a choisi la paix du grenier laissant le reste de la maison aux lutins plus vifs, plus sociables. 
Farfada règne sur la cuisine avec ses Elfines, Djinno et Djinnou crapahutent d'une chambre à l'autre, Génius, lui, c'est attribué le jardin. 
Oulala!!! Tout cela me démange!
Je me glisse sans bruit, pour ne pas déranger Kobold, hors du grenier et file dans ma chambre pour vite, vite, écrire l'histoire des lutins de la maison. Avant qu'elle ne se dissolve...
Je suis sagement en train d'aligner des lignes quand maman arrive sur le palier pour jeter un œil à ce que je fais. Je l'entend soupirer de soulagement de me voir au travail. Djinno, moins naïf qu'elle, glousse. Mais il est ravi que l'on écrive sur lui. Que l'on donne vraiment une existence à sa présence évanescente.
Maman entre dans la chambre et je la voit se retenir de dire quelque chose à propos du désordre. Elle pose sa main sur mon front, comme si elle voulait estimer ma température, et me caresse le front. 
"Ce soir c'est free repas. Ça te va?"
Bien sur ça me va. un free repas c'est un repas au salon devant la télé, ou debout devant le frigo, ou emporté en catimini (en théorie pas de nourriture à l'étage) dans la chambre. Maman sourit, cela la rajeunit, et quitte ma chambre pour aller voir dans celle de Wilfried s'il a avancé dans la préparation de son sac d'internat. Elle pourrait le laisser se débrouiller, elle lui a déjà "rapté" ses fringues pour les laver vendredi quand il es rentré... Comment ferait-il sans elle?
Elle passe ensuite chez Gaétan pour lui demander s'il a bien réparé sa moto. S'il a bien mit de l'huile... Si... Soupir! Quelle mère poule!! Il faut dire que si la moto ne démarre pas c'est elle qui va devoir l’emmener jusqu'à l'entreprise de charpente où il est apprenti... Maman chauffeur de taxi.
Vais je devenir aussi pénible en grandissant? 
Je relis mon histoire de lutins. Pas mal. A creuser, à fignoler... Mes lutins pourraient raconter l'histoire de la maison et des ses habitants. Oui! Bonne idée. Et c'est un projet qui fera passer le temps du collège un peu plus vite.
Le collège! Soupir!
Je m'y ennuie, je m'y ennuie...
Et j'y suis ce qu'ils appellent une "Rémi". Cela ce dit une "Rémi"?
Ils disent un "Rémi" comme dans "Rémi sans famille" pour désigner ceux qui, comme moi, sont seuls, sans copain, sans copine, à la récré, à la cantine.
J'ai essayé. De m'en faire, des copines, mais je n'ai pas les codes. Je ne comprends pas leurs conversations, fringues, maquillage, séries à la télé, garçons troooop mignons. Et je ne leur plais pas. Je fais trop cambrousse, gosse d'agriculteur, une incongruité, trop intello, avec mes bouquins, trop fragile, trop facile à charrier, je n'ai pas de répartie...
Alors je renforce ce que je suis, je garde la même veste au collège qu'à l'étable quand je vais donner un petit coup de main pour la traite, et je sens la vache avec fierté. Je m'obstine dans ce que je maîtrise, je lis en allant d'un cours à l'autre, je lis dans la file du self, je lis pendant la récré. Je me cache derrière un livre. Je m'évade dans mes livres. Je ne suis plus là, je suis en Russie avec Michel Stogoff, ou dans les airs avec Jonathan Livingston.
Oui, demain matin, le collège...

A vous.


8 commentaires:

  1. Grâce à toi j'apprends l'expression "free repas" ;)

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  2. je ne connaissais pas non plus le free repas. J'aime beaucoup cette suite qui encore une fois se lit si facilement ! J'aime bien cette idée de lutins de la maison !
    Et tiens pourquoi pas une nouvelle rencontre au collège, un ou une autre Rémi, qui se ressemble s'assemble !

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    1. Tu ne fais pas ça, souvent le dimanche soir, un repas libre, chacun se débrouille?
      Une rencontre... Bien, bien!

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  3. toujours chouette de te lire...j'aime bien les lutins!

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  4. Le collège, l'horreur pour cette pauvre Laurène. Non seulement elle s'y ennuie à mourir mais elle y subit les quolibets de ses petits camarades, les brimades des profs et de l'infernale Miss Eliot la terrible pionne aux cheveux rouges et bleus, et en plus elle est privée de liberté. Ses frères lui manquent, sa cabane dans les arbres et les odeurs de la campagne embrumée lui manquent. Elle est obligée de faire appel à ses lutins sinon elle ne survivrait pas à cette épreuve. Heureusement le samedi arrive vite et à elle les escapade en compagnie de son chien et des lutins de la forêt.Jusqu'au dimanche soir, où les devoirs de la semaines ne sont pas faits, les leçons pas apprises, le carnet de notes pas signé et la valise à préparer pour la quinzaine suivante attend au pied du panier à linge qui n'est pas trié....

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    1. Oulala... Il y a matière à en écrire des pages!

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