Une directrice parmi tant d'autres
tôt le matin
à l'idole des enfants (Et en ces temps de mi confinement l'engraisseur d'Amazon et autres sites en ligne...),
Objet: Liste annuelle.
Père Noël, la légende (et les parents qui
éduquent à coup de chantage) dit qu'il faut avoir été sage pour recevoir
quelques présents qui vont bien dans la nuit du 24 au 25 décembre. Ok,
j'veux bien. Mais sage comment?
Parce que je ne sais pas si je suis dans les
clous... Je suis sage, c'est vrai, je me lève, chaque jour, je sort les chiens (et deux minutes après je les rentre, ils vont réveiller toute la campagne environnante à aboyer ainsi!), je sort du lit adulescent et ado, je les colle dans le car, je soutiens mon chéri au cœur fêlé, et je vais au travail (et merde! J'ai oublié d'ouvrir aux poules).
Arrivée à l'école j'ouvre les volets, j'allume la lumière, l'ordinateur et le portail. Je
reçois, j’accueille, parents et mômes. J'enseigne, j'alimente en savoirs
programmés une grosse vingtaine de gamins motivés (si, si, on y croit!), je
soutien, je tire, je pousse mes élèves vers les citoyens qu'ils seront
demain...
Je réponds au téléphone, ou pas, quand je suis en classe. Des coups de fil importants, absences, services sociaux. Des coups de fil pourris, les mêmes qu'à la maison, qui veulent nous vendre de la téléphonie, du gaz ou de l'électricité moins cher (Toi ne veux pas comprendre? Je n'ai aucun pouvoir, renseigne toi sur le fonctionnement d'une école avant de nous faire perdre du temps à tout les deux),
Je passe des coups de fils, absences non justifiées, mais je vous crois, madame, qu'il a vomi toute la nuit (et je ne suis pas open pour les détails) mais pourquoi ne pas nous prévenir? Comment ça vous venez de vous réveiller? Il est 14h30. Qu'à fait votre fille pendant que vous roupilliez/cuviez?, réunions
à programmer, coordonner les différents acteurs, reprogrammer, à la
date qui arrangera le plus les uns et/ou les autres (même si moi je...
ne passe pas en priorité).
Je réponds aux mails (quand internet est rétabli, il coupe quand on utilise le téléphone), à la mairie, aux parents, aux conseillers pédagogiques, je fais le tri dans la marée de spam qui veulent me fourguer des masques, du gel hydro, des véhicules de service (! Ce doit être les mêmes qui téléphonent pour le gaz, ou l'électricité). Je transfère à qui de droit, collègues, AESH, service civique, les ordres de missions, les propositions de sorties et autres promo d'éditeurs (ou pas).
Lors de la récré, entre deux portes (zut, j'allais aux toilettes), pendant le repas, quand les élèves sont rentrés chez eux, je travaille avec l'équipe, je coordonne, j'anime, je consulte, j'organise, je prends en main, je négocie, je parlemente, je rassure, je mobilise, je renseigne, je prends note, je reçois, je fais des listes, des plannings, je réceptionne les livraisons, j'ouvre aux ambulanciers qui emmènent/ramènent X ou Y, je cours pour passer le téléphone, je distribue le courrier...
Je pose des questions à ma hiérarchie, je demande des moyens (remplacements, formations spécifique, masques transparents, soutien face aux parents agressifs, médecine scolaire, médecine du travail, places pour les élèves ayant une notification en ITEP, en ULIS, en...) je fais connaître nos difficultés, j'envoie des comptes rendus, je remplis des enquêtes. Et j'attends, vainement, des réponses (je ne dois pas utiliser le bon canal de transmission, il semble que ce soit à la télé ou sur Youtube que cela ce passe désormais). Nous prenons des décisions sans elle (la hiérarchie).
Je reçois des injonctions, des consignes, des cadrages, je dois... Je suis infantilisée. Je suis responsable de tout, et de mettre en œuvre, du jour au lendemain, en suivant le sens du vent, de la mode, du caprice de l'énarque, mais mon avis, et celui de mes collègues, mon expérience, et celui de mes collègues, mon sens pratique, et celui de mes collègues, ne comptent pas. Nous n'avons pas, d'avis, à donner (éventuellement nous répondons à une enquête aux réponses pré établies. Pour le dessert, banane ou pomme? Pas de possibilité des répondre éclair au chocolat ou tiramisu). Nous n'existons pas. Je suis la représentante un corps fantôme corvéable à merci (un fonctionnaire cela fonctionne et cela se tait).
Je rentre au soir, fatiguée. Je me réjouis de
rentrer, je retrouve les miens, qui m'offrent câlins et soutien (parce que j'ai la chance d'avoir des miens) et le ménage, et le repas, et le linge,
et.. pendant les courses, lors d'un repas ou sur les réseaux, j'entends M et Mme Toulemonde qui trouvent que, franchement, je suis mal placée de râler ainsi, de faire grève si souvent avec tous les avantages que j'ai! Les vacances, la bonne paye, les vacances, le logement, les vacances, et tout ce temps, quelques heures de boulot par semaine seulement (sur le pôle emploi on "vend" 27h hebdomadaires aux contractuels), les vacances, et des facilités à la banque (ça fait bien rigoler mon banquier. Surtout en voyant le découvert mensuel), les vacances, et...
Et parfois je doute. Cette course au quotidien? Est
ce bien raisonnable? Je suis si fatiguée parfois... Souvent.
Et parfois je doute. Tant pour si peu. De sous, de respect, d'attention...
Donc, Père Noël, je vais te demander quelque chose
que tu ne pourras pas m'offrir, seul l'éducation nationale le pourrait, cela
ne se trouve pas en magasin, pas sur les sites qui livrent en 24h.
Père Noël, je demande du temps. Du temps pour travailler autrement que dans l'urgence.
Et puis de la considération. De l'attention, de l'écoute, comme celle que je donne à ceux qui sont le cœur de ma fonction, élèves, parents, collègues.
Et, là c'est concret, un salaire à la hauteur de la tache, à la hauteur des responsabilités, dans la moyenne de mes collègues européens.
Voilà, Père Noël, prends ton temps, mais pas trop. Le temps passe si vite (il fût un temps où l'on a promis un observatoire des salaires (les mêmes qui payent observent) et de se pencher sur notre triste sort. Mais il semble que ce soit le père fouettard qui s'y soit collé et il a dû tomber dans le trou dans lequel nous sommes enlisés)...
Anne, directrice désabusée.
Cher Père-Noel,
RépondreSupprimerL'année aura été critique..10 mois qu'on ne parle que de ça..du corona qui nous empoisonne à tout va..
Il divise les opinions, nous confine avec ou sans raison, nous enlève nos passions... il fait mourir les petits commerçants de notre nation, il tue sans distinction...
je suis parfois perdue sur la question, j'ai mes opinions...
L'année aura été difficile moralement, psychologiquement ..dans mon travail avec des dirigeants qui n'ont toujours pas compris que nos résidents n'étaient pas un numéro simplement... que ces personnes dont je prends soin au quotidien ont besoin de temps, d'accompagnement, de présence au quotidien... il faut du rendement! ne pas mettre en péril l'entreprise...une entreprise!!! beurk c'est à vomir! alors je continue, de faire mon métier comme je l'entends , comme je le conçois du mieux qu'il soit pour eux..mes petits vieux!
elle aura été éprouvante dans des choix à faire... dans des "noeuds à défaire"..dans des remises en questions avec nos pré-adolescents "si" fiers..
mais retenons le meilleur... 2020 a aussi rimé avec bonheur, émotions pleins les coeurs! se retrouver enfermé n'a pas eu, sur noter manière de vivre, que du mauvais...créer, dessiner, danser...
le 30 juin a été un délice à preparer...instits et parents émus à en pleurer...
les vacances d'été nous ont permis de profiter des amis et du pays...où nous pensions voir Manuella mais elle nous a quitté avant que nous arrivions là-bas...
Bref, cher père noel,
même si l'année fut parsemée de bons et de mauvais, préserve ceux qui me sont chers.. apporte leur du temps pour profiter..rêver...
préserve les avec quelques gouttes de ton elixir de jeunesse
apporte leur bien sur le cadeau que je tai commandé... des BDs, des affaires recyclés, de la reine des neiges enchantée et du Lynda Lemay!
Apporte à tous ceux que j'aime ou apprécie, de la chaleur et du bonheur!
joyeux Noël!!
C'est triste de constater que c'est l'humain qui est sacrifié. Mais je suis sûre que tu resteras droite dans tes bottes pour ce à quoi tu tiens, pour ceux à qui tu tiens.
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