dimanche 2 avril 2023

Avec Virginie, 13/52/23: "Mise en scène, au boulot"

Projet photo avec Virginie.

RGPD oblige... Pas de photo de mes héros de l'Odyssée de l'école inclusive.

Et puis, dans l'ULIS (Unité localisée pour l'inclusion scolaire), les élèves entrent et sortent tout au long de la journée...

Ils arrivent les uns après les autres, en grappes ou carrément pas (pour ceux qui sont en soin à l'extérieur (A le mardi matin, L1 le mardi après midi, J le jeudi après midi, toutes les deux semaines, L2 le vendredi matin, jusqu'à la récré, puis un après midi sur deux)). Pour A et L2, c'est C qui vient les prendre, le jeudi matin, après la récré pour des activités dans la salle du SESSAD. N, elle vient le lundi pour emmener L2 au gymnase en fin de matinée. Heureusement que chacun d'entre eux à son "plan de travail" indépendant! Et soyez bien certains que je suis ravie quand des soins sont organisés! Pour l'un d'entre eux les parents "ne voyaient pas l'intérêt de soins" (sa maman l'aide encore pour s'habiller. A 10 ans (à mon avis cela fait partie des difficultés du gamin. En classe de mer personne ne l'a aidé à s'habiller. Il n'est pas arrivé à poil au petit déjeuner)). Un autre n'a pas de soin du tout. Et, pour tous, les prises en charges prennent des mois, voire des années à se mettre en place (structure débordées, personnel non remplacé, listes d'attente...).

Ils viennent travailler la lecture (apprentissage de... A la rentrée 2021 quatre d'entre eux en étaient au balbutiements du décodage. L'un est parti (limite d'âge) sans être lecteur. Une autre, qui n'avait pas fait de CP, est arrivée et l'a remplacé. A ce jour, la lecture est acquise pour tous. Reste la fluidité et la compréhension à travailler. Et, le décodage correctement sur les rails, a apprendre à coder, à écrire, à produire... J apprend à être élève, l'autonomie, à montrer ce qu'il sait ("si, si, il faut, sinon la maîtresse ne sait pas que tu sais!").

Après la récré, J va dans sa classe pour les maths. Les autres restent et découvrent, pas toujours facilement, que la langue française complique sérieusement les choses en math aussi (pourquoi onze, douze, treize et pas dix-un, dix-deux, dix-trois? Et que dire de soixante dix?!! Quatre-vingt!!! Et, summum des summum, quatre-vingt-dix!). Ils apprennent, en dent de scie, ils savent, ils ne savent plus (il faut "entretenir" les savoirs tous les jours (il y a des week-end et des vacances ravageurs)), les opérations, sans et avec retenues (la soustraction... enlever quelque chose... compter à rebours...). Et découvrir que suivant les cas la retenue se met en haut, à coté... Qui faut parfois casser la dizaine (voire la centaine...).

Tout cela avec le sourire (A: "Je suis d'humeur, aujourd'hui!"), ou moins (D, qui soupire bruyamment devant les mots contenants le son [f] qui s'écrit (Ça ne va pas la tête?!) ph (alors qu'on a appris, il y a quelques semaines que avec un c ça fait [ch], et que tout seul on ne l'entend pas (alors pourquoi on le met?!!)).

Il y a celle qui gigote en permanence, qui se lève pour aller boire, aller aux toilettes (5 minutes de gagnées, il faut sortir de la classe, traverser toute la cour, pour y aller), se moucher (et hop, jouer avec le distributeur de gel, se poisser les mains avec pour deux bonnes minutes). Celle qui commente tout, vraiment tout (chaque mot, chaque action), qui a besoin de l'approbation d'un adulte (voire de tous les adultes présents). Il y a celui qui est un véritable radar, qui détecte illico tout ce qui ce passe dans la classe (heureusement que les fenêtres sont trop hautes pour qu'il ne puisse voir dehors), qui retient tout ce qui a trait à l'organisation de l'ULIS, de sa classe, de l'école, qui fête son anniversaire, a quel âge, qui a rendez-vous, qui... Mais qui est totalement largué dès qu'il y a abstraction (problèmes en math, sous-entendus et implicites en français), dès qu'il y a des exceptions à une règle (voir ci dessus). Celui qui met 15 minutes à écrire la date (pourquoi faire?), et pas sur la ligne (pourquoi faire?). Celui qui s’inquiète, cela vient, toujours, comme un cheveux sur la soupe, pour son papa qui boit trop d'alcool ("c'est pas bon pour la santé, et pourquoi maman elle lui en achète si c'est pas bon?"), celui a qui les parents disent (depuis deux ans) qu'ils vont bientôt partir en Bretagne. Celle qui raconte le week-end chez papa, ou chez maman, jusqu'au mardi et anticipe le week-end chez maman, ou chez papa, dès le jeudi... Celui qui a les larmes aux yeux parce que maman lui a donné le sac de sport le jour où il n'y pas sport. Celui qui prend une douche tous les... pas souvent. Celui qui a les cheveux très propres mais très habités (ce doit être des poux propres). Celle qui a un manteau pour la semaine chez papa et un pour la semaine chez maman (cela nous sert de repère, pour savoir si c'est la semaine où elle va à la garderie ou celle où elle monte dans le car).

Et puis, dans l'ULIS, on joue. Beaucoup (c'est une ruse de la maîtresse pour faire passer des apprentissages, mais nul besoin de le savoir (L1 le sait et il est très fier d'avoir éventé de "truc"))! Avec ma collègue AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap) nous avons imprimé et plastifié des dizaines (nous approchons la centaine) de jeux de 7 familles (des sons, du présent des verbes du 1er, 2éme et 3éme groupe, etc...), des dominos, des doobles, des mémoris, des..., sur les nombres, sur les doubles, sur les tables, sur... 

Et que dire des jeux trop topissimes qui viennent de la média-ludothèque?

C'est une sacrée carotte que d’espérer, et y arriver, battre V, ou la maîtresse, au Zéro, au Twin It!, au Puissance 4, au... Et une façon détournée, aussi, de prendre confiance en soi, d'oser se mettre en danger (même si parfois perdre est... compliqué).

Bref...

Si je vous dis que j'aime mon boulot vous voyez ce que je veux dire? 

Et j'espère le garder pour l'année prochaine (sans la certification qui va bien je ne suis qu'à titre provisoire sur le poste).

4 commentaires:

  1. J'espère que tu pourras très longtemps continuer à faire ce que tu aimes faire :) "Tes enfants" ont de la chance!

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    1. Le temps d'arriver à la retraite... Ce serait chouette. J'ai de la chance de les avoir, ils sont trop. Trop attachants, courageux, pénibles, vivants...

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  2. J'aime trop cet article, j'espère que dans son pays on s'occupe de ma petite-fille comme tu t'occupes de tes ULIS.

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