dimanche 24 mai 2020

Télescopage.

Je crois que c'est là, derrière mon l'éclat d'hier, derrière ma mauvaise humeur, ces derniers jours. Ce n'est pas envers les miens que je suis en colère. Ils n'y sont pour rien.
Cette colère doit aller à qui la provoque.
A qui me rend impuissante (ai je seulement été "puissante"?), à qui me demande l'impossible et m'en fait porter la responsabilité.
Je le sais, maintenant, parce que deux "messages" se sont télescopés tout à l'heure.
Ma jeune collègue m'a envoyé la copie de cette réponse d'une maman au sondage que nous faisons pour savoir quels élèves reviendront à l'ouverture de l'école que nous sommes en train de préparer:
"Mes enfants ne reviendrons pas à l'école vu les dispositifs anti pédagogiques que vous proposez. Nous comptons sur la nouvelle municipalité et l'équipe enseignante de septembre, la mise en place de moyens humains et techniques pour un meilleur accueil pour nos enfants".
Quelques minutes plus tard je tombe sur un lien vers un article qui annonce le suicide d'un collègue, directeur d'école, Bruno Delbecq.
Voilà...
Voilà comment on tue les gens dévoués.
En leur demandant l'impossible. En leur demandant de faire contre leur conscience professionnelle, contre leur intime conviction. En les essorant littéralement sous les taches impossibles à mener dans les non délais impartis.
La population voit, on leur montre, ce que l'on veut nous demander de faire de l'école et elle nous accuse de maltraitance.  "Les dispositifs anti pédagogiques que vous proposez" nous sont imposés, contre notre gré, à notre corps défendant. Cette école n'est pas une école.
Et les directeurs ne sont plus que des fonctionnaires fonctionnant, à bout de souffle, acculés.
Ordres, contre ordres, flou, impossibilité d'anticipation, impossibilité de pouvoir répondre, de pouvoir rassurer. Nous sommes en bout de chaine, les seuls au contact avec la population, avec les parents, avec les élèves et nous ne savons rien. Et nous n'avons que quelques heures pour adapter un protocole sanitaire qui tue l'âme de l'école. Qui tue l'école. En tuant au passage ses serviteurs les plus dévoués.

8 commentaires:

  1. Je suis d'accord avec vous. On vous fait faire n'importe quoi et puis, on vous laisse vous débrouiller avec la colère de certains parents. Courage. Si je pouvais, je vous serrerais dans mes bras.

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  2. peut-être que cette maman a été maladroite dans ses propos ? Elle ne voulait peut-être pas t'accuser mais juste dire que selon elle ce n'était pas de l'école que nous proposions. Pour te rassurer, je te fais un copier/coller de quelques réponses que j'avais obtenues lors de notre sondage de reprise:
    « Bon courage pour trouver des solutions pour tous les enfants ainsi que professeurs... »
    « Et je pense que vous allez avoir énormément de responsabilités sur les épaules je vous souhaite vraiment beaucoup de courage vraiment vraiment beaucoup.. »

    « Bonjour Mesdames,
    J'espère que tout va bien pour vous ainsi que pour vos proches. Nous en profitons pour vous remercier de vos implications pour nos enfants depuis ce début du confinement.
    Nous sommes un peu ennuyés pour répondre à votre sondage. En effet, depuis la fermeture des écoles, mon mari a pu être en télétravail et garder les enfants en même temps, même si la situation n'est pas des plus confortables. Pour ma part j'ai continué à me déplacer sur mon lieu de travail.
    Nous ne sommes pas favorables à remettre R. et Y. à l'école, les mesures barrières étant difficiles à appliquer sur des enfants aussi jeunes et nous ne connaissons pas les mesures qui vont être mises en place pour vous protéger ainsi que les enfants. Cependant, si mon mari venait à devoir retourner sur site, nous serions dans l'obligation de les renvoyer à l'école, au mieux que pour R. Pour Y. nous pourrions peut-être nous arranger avec l'assistante maternelle mais sans certitude, tout dépendra de l'évolution de la situation et des décisions prises au sein de nos entreprises respectives.
    Merci Mesdames,
    Passez un bon long week-end du premier Mai
    Cordialement, »

    « Bonjour Mme Virevolte,
    Nous nous permettons de revenir vers vous concernant le retour à l’école prévu pour le 11/05 prochain. Après réflexion, nous ne souhaitons plus que notre enfant retourne à l’école.
    En effet, les conditions sanitaires ne s’améliorent pas. Les conditions d’accueil, la gestion de l’hygiène des matériels et locaux et les activités des enfants, qui vous sont imposées par le gouvernement nous semblent totalement ingérables.
    R. se faisait une joie de revenir à l’école. Dans ces conditions, il n’y aura, à notre sens, aucun plaisir à l’apprentissage.
    Nous excusant pour la gêne occasionnée.
    Cordiales salutations.
    Mr et Mme G »

    « R. ne reviendra pas en classe le 11mai ! Nous ne savons pas encore si cette décision vaut pour toute la fin d'année scolaire (je vous avoue que c'est un crève-cœur avec notre futur déménagement !) mais nous pensons qu'il est trop tôt et nous voulons préserver tout le monde. Aussi bien les enfants que vous ! »
    Voilà, un petit échantillon des réponses de mes parents d'élèves. Nous avons de la chance sûrement, nos parents d'élèves sont plutôt compréhensifs.
    je comprends ta colère quand tu lis ce genre de propos...

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    1. Oui, comme tu le fais très justement remarquer, il y a aussi plein de chouettes messages. Du soutien...

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  3. Charmant message… j'espère qu'il y en a d'autres plus compréhensifs !

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  4. l'exception qui confirme la règle...mais qui laisse des cicatrices douloureuses.
    Mon lointain soutien ne sert probablement pas à grand chose, mais comme je vous comprends, comme je comprends votre désarroi face à ces difficultés pour organiser ce qui ressemble de très loin à une école qui est avant tout un lieu de VIE. Bon courage à vous tous, les enseignants et le personnel, avec toute mon amitié même si on ne se connaît pas.

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    1. Nous marchons sur un fil. Cette "école" ne satisfait personne.
      Merci.

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