mercredi 6 mai 2020

Premiers de corvée.

C'est l'histoire de ceux qui doivent faire.
Ceux qui doivent fonctionner.
Quelques soit les ordres.
Quelques soit les circonstances.
Quelque soit l'inadéquation du bouzin avec la réalité.
Même si cela amène de la souffrance pour ceux dont on a la charge.
Quelque soit la souffrance de ceux qui doivent faire rentrer des ronds dans des carrés.
En sachant que les arguments utilisés pour justifier cette ré ouverture des écoles prématurée sont fallacieux.
Ouvrir les écoles.
Progressivement mais mardi 12 (aux parents on a dit, à la télé, le 11).
Progressivement et suivant les moments, les sources, à chaque "couche" son grain de sel, ministre à la télé, recteurs, inspecteurs d'académie, de circonscription on commence par les GS, les CP et les CM2, ou tous de concert.
Ouvrir les écoles dit-on au parents à qui on donne le choix en les illusionnant. S'ils les remettent à l'école ce ne sera que pour, au mieux, quelques jours par semaine. S'ils les gardent la continuité pédagogique ne sera plus qu'en pointillé. Les profs ne pouvant pas (Ah, non?) être au four et au moulin ils vont entrer dans une nouvelle ère, celle de l'alternance.
C'est ça ou c'est abandonner les élèves restés chez eux.
Et à la question d'une collègue lors de cette troisième visio de la journée lundi (conseil des maîtresses de l'école, à 11h, syndicat, à 14h, inspectrice, à 17h) de la prise en charge du décrochage scolaire (argument du sinistre pour cette ré ouverture) cette réponse: c'est le choix des parents. Ils ne veulent pas ils ne viennent pas.
Et pour ce qui est du comment...
Un protocole de 54 pages à mettre en place qui va du réaménagement des locaux, de la cour, au plan de circulation autour de l'école. A une collègue qui s'interroge sur sa compétence en ce domaine si loin de sa sphère de maîtrise on répond tuto sur la toile.
Même chose quand nous réclamons la formation sur les gestes barrières et les consignes sanitaires dont parlait le sinistre.
Aux nombreuses questions sur impossibilité à "maîtriser" les interactions sociales, sur l'angoisse que cela va générer pour les enfants et les adultes qui les encadrent, pas de réponse. A part vous saurez les rassurer.
Soyons clairs si ces mesures sanitaires sont si strictes c'est qu'il est dangereux de retourner en classe. Non?
Ou non, les "experts" se succèdent  à la TV, à la radio,  se contredisent, disent tout et son inverse...
Contre l'avis du conseil scientifique, derrière lequel il se planquait pour prendre ses décisions jusqu'à présent, Mister M a décidé de ré ouvrir les écoles. JMB mis au pied du mur a avalé la couleuvre, il n'a pas dit non. Les cadres de l'éducation nationale se sont retrouvés avec la patate chaude, très chaude, et ils n'ont pas dit non. Ils l'ont filé, sans filet, aux couches inférieures. A vous de jouer. On vous fait confiance (C'est désespérant d'avoir gâché un aussi beau mot!). Ils l'ont filé le "soin" de la mise en œuvre, dans des délais intenables, sans moyens, sans formation, sans temps supplémentaire (je n'ose compter le temps que j'y ai passé, tout en continuant de travailler avec mes élèves, à la maison) et nous n'avons pas la possibilité de dire non.
Quand l'une évoque ce "mal être", cette fatigue, on lui affirme qu'elle n'est pas la seule à souffrir (Bravo, ça aide! Toujours ce réflexe: faire culpabiliser d'être trop "faible"), qu'il y a un numéro d'appel pour parler à un psy et que si ce n'est pas suffisant il faut se mettre en arrêt maladie (trop faible qu'on vous dit. Pas que la charge est trop lourde, non, quand on a pas le choix on ploie ou on casse. Et il y aura de la casse).
Pas de possibilité de dire non.
Et puis il y a ces maires qui voyant venir la vague de responsabilité (elle est descendue en même temps que les ordres, se décharger sur la couche inférieure est un sport national) disent non.
Celui de la commune où je travaille l'a dit.
Non, l'école n'ouvrira pas (au moins jusqu'au 31 mai).
Nous n'aurons "que" les enfants de personnes prioritaires (dont le nombre augmente) à accueillir à l'école. Et nous pourrons ne pas abandonner nos élèves chez eux. Nous avons même prévu de recevoir, individuellement, avec leurs parents, ceux qui en ont le plus besoin. Notre version, à nous, de la prise en charge des difficultés.
Pour que l'école redémarre doucement, calmement, en réfléchissant, en évaluant les écueils sans précipitation.

8 commentaires:

  1. C'est tellement vrai et triste.
    Aujourd'hui, j'ai honte d'être au service de l'Education Nationale. D'ailleurs, je crois qu'il n'est même plus question d'éducation...

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  2. J'ai lu le protocole, c'est pire que ce que je croyais. Les 12 travaux d'Astérix version irréalisable !

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    1. Ont-ils des enfants ceux qui l'ont écrit? En tout cas ils ne sont pas enseignants, c'est sûr!

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  3. Comme Valérie Vieublé, moi aussi j'ai honte de faire partie de ça ! j'ai honte de proposer ça aux parents , aux enfants !
    Tu as de la chance tes visio conférences ont l'air de fonctionner...Nous on nous a prévenues hier matin pour une visio sur le protocole sanitaire à 15h30. je n'ai pas réussi à voir tout le début, j'ai raté 8 questions au moins, ensuite c'était entre coupé. Quand j'ai voulu participer au chat, tout s'est fermé, je n'ai pas eu de réponse à ma question et je n'ai pas pu suivre la fin de la visio conférence. les personnes qui la réalisaient m'ont fortement énervée, pas une ne travaillait avec une classe, elles ont parfois répondu à des questions par d'autres questions.Conclusion, nous allons être capables de faire ! ben oui, les enseignants c'est bien connu sont des supers héros ! :(
    Et chez moi Mme la maire veut toujours ouvrir ! je crois les doigts pour qu'elle ne réussisse pas à faire nettoyer la VMC, c'est la seule chose qui manque ! parce qu'évidemment l'entretien normal n'est jamais fait.

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    1. Mon inspectrice n'a visiblement pas compris comment fonctionne une classe virtuelle parce que j'ai eu beau lever la main... Bref!
      Je croise les doigts pour toi.

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  4. les normes sont là pour donner un cadre homogène. Après on en fait ce que l'on veut en fonction de ce que nous sommes. Très bien la décision de votre Maire. Il est là pour ça. Adapter les normes à son territoire et avec ses forces vives. N'écoutez pas les directives qui viennent de la centrale, oubliez les et imaginez ce que vous avez envie de faire à votre niveau.

    Nous les élèves clowns grenoblois du Bateau de Papier nous voulons un lâcher de clowns ! Nous proposons que tous les grenoblois soient équipés de masques becs de canards avec des crinolines autour de la taille d'une envergure d' 1m50 pour vivre en toute insouciance la distanciation sociale. Il faudra ajouter à l'équipement un chapeau à large visière avec moustiquaire car en Isère nous sommes en zone rouge de propagation du moustique tigre et des bottes en caoutchouc car en alerte météo orange avec risque de crue. Nous ne savons pas ce qu'en pensent les autorités grenobloises mais les élèves clowns du Bateau de Papier sont motivés plus que jamais. Cela fait sept semaines que nous révisons nos gammes (sauf moi) chacun pour soi car contraints à l'isolement. Ce qui est un supplice pour un clown! Et il faut tenir une de plus... Notre lieu habituel de rencontre d'art vivant n'accueillant de toute façon en règle générale pas beaucoup plus de 10 personnes avec une densité de 1 clown / 10 m² (à vue de nez de clown) nous voulons la réouverture de l’établissement. Les élèves clowns du "Bateau de Papier" sont prêts, le festival est annulé, le monde prend l'eau, mais tout le monde l'a compris, nous avons notre équipement et notre embarcation! Plus rien ne peut nous arrêter pour être clowns (enfin!) et porter sur le monde un regard d'incompréhension et de crédulité. Nous sommes motivés plus que jamais à réinterroger le monde ! Sur notre bateau, la bêtise, l’inefficacité, et le grotesque sont à l’honneur. Lâchons les clowns !!!

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  5. La crinoline quelle bonne idée!
    Lâchons les clowns!

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