...de choses en lien avec des personnes âgées qu'on connait, qu'on a connu..."
Projet photo avec Virginie.
Tout de suite j'ai pensé à ce texte, et à la photo que j'avais choisie, écrit en 2015 au moment du décès de Victor, notre voisin, et l'ami d'Albert, mon père.
Vous me pardonnerez, j'espère, ce "recyclage". Mais c'est, exactement, la réponse à la consigne donnée...
Il y a comme un caresse sur ma nuque, un souffle. Et un sourire me vient.
Douceur.
Victor le berger est parti la semaine dernière.
Et dans mon esprit il va pouvoir s'assoir sur cette terrasse, à cette
table, avec Albert, mon père, pour discuter de la marche du monde. Le
pédagogue et le paysan. Meneurs de troupeaux au cœurs immenses. Leurs
vies n'auraient pu être plus différentes, plus dissemblables, et
pourtant. Avec quelques années d'écart ils ont eu l'enfance libre des
gosses de la campagne. Victor entre deux guerres, Albert naissant au
début de la seconde. Tous deux purs produits de leur temps, façonnés par
la volonté de faire bien.
Faire bien pour Victor et il se battra contre l'envahisseur, courant le
maquis. Et puis donnera de son temps, de sa personne, de ses idées, aux
habitants de sa commune pour l'ouvrir au monde.
Faire bien pour Albert ce fut échapper à sa mère, à la chape de la
religion pour offrir aux autres sa capacité de travail au service d'une
éducation ouverte, intelligente, démocratique, respectueuse.
Le hasard d'une mutation, le désir d'aller vers l'autre et ils se sont
croisés. Ils se sont assis et ils ont commencé à parler, à partager.
Respect. Amitié. Presque 40 ans de fidélité que seule la mort d'Albert,
si jeune encore, si plein de projets inachevés, sauver le monde, à mis
en suspend.
Victor a continué sa route jusqu'au grand âge, nous parlant d'Albert, de
leurs dialogues, les continuant peut être dans sa tête, quand nous nous
buvions un verre avec lui chaque été.
Ils ont partagé les coups que la vie leur a asséné, la perte de si
proches, l'inquiétude pour les leurs, pour ce monde à la dérive. Ils se
sont réjouis d'un monde plus grand, plus multiple. Ils étaient des
phares, des rocs qui disaient la force de la réflexion, de la curiosité,
la joie de l'échange.
Albert, Victor, après avoir effectué leur promenade, les mains dans
le dos pour papa, le béret visé sur le crane pour Victor, le tour de
leur "domaine", par les chemins caillouteux, dans les collines sèches et
odorantes, vont s'assoir à cette table, l'un à droite, l'autre à
gauche, tournés vers le monde.
Le monde qu'il vont continuer à refaire, nous soufflant doucement: ...
..."Agissez, agissez, c'est vous qui donnerez du sens à l'avenir".
Un touchant témoignage, merci, Anne!
RépondreSupprimerDe rien, merci.
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