jeudi 8 février 2024

Être ou ne pas être une (vraie) fille?(jeudi j'écris)

Nous étions 4 sœurs (pendant un bon moment) et j'ai, une année, en CP, il y a fort, fort longtemps, été scolarisée à l'école des filles (avant que la mixité devienne la norme).

D'aussi loin que je me souvienne le fait être une fille ne m'a jamais interpellé. Je ne me rappelle pas du moment où j'ai compris (y a-t-il un moment précis pour cela?) que l'humanité était scindée en deux. 

En récréation, quand je jouais (le plus souvent je lisais) c'était aux gendarmes et aux voleurs. Je ne participais pas aux jeux des filles, corde, élastique, pas plus (encore moins, je le prenais toujours dans la tête) qu'au ballon avec les garçons.

Au collège aussi j'étais à coté de la plaque.

Les garçons n'existaient pas autrement que comme ceux qui bousculent, ceux qui crachent (à éviter pour avoir la paix). Je me souviens juste de la surprise, un jour, de réaliser que la fratrie de trois garçons (les fils d'amis de nos parents) n'avaient aucune idée, à 15/16 ans, de ce qu'étaient les règles (!). Quels curieux spécimens!

Les filles étaient celles qui jaugeaient, jugeaient, cataloguaient (à éviter pour avoir la paix)... Elles formaient des grappes, aux pieds des escaliers, squattaient les bancs les mieux placés et pesaient allure, vêtements, maquillage. La futilité comme mesure de l'être. Être une vraie fille (Je ne me sentais pas concernée, je ne devais pas l'être, je ne l'étais pas suivant leurs critères).

Et, le temps passant, je me rends compte que la pression mise sur les femmes l'est, en grande partie, du fait des femmes.

Un bon paquet de nanas jaugent, jugent, cataloguent. Culpabilisent, excluent...

Je vois Suzanne, ma fille, élevée au milieu de quatre frères, par une mère réfractaire à tout dictat de la mode, se soucier sans cesse de son apparence. Réfléchir à sa tenue, sa coiffure, refuser de sortir de la maison sans maquillage (même pour aller à la salle de sport, surtout quand elle sort avec ses copines).

J'en discute avec elle de façon informelle, l'air de ne pas y toucher. Est-ce pour les garçons qu'elle s'apprête? Elle me répond, du tac au tac, surprise (limite vexée), non, bien sûr, c'est pour les filles [qui jugent]! Il faut être... Dans la norme. C'est valable aussi, dans une certaine mesure, pour les garçons, tous, il faut juste les regarder à la sortie du lycée, affublés de buissons de boucles et, pour certains, moustaches très "in" (Je soupçonne que dans leur cas ce soit le regard des filles qui importe).

Est-ce par manque d'assurance que les filles, celles de MeToo, se ficellent mutuellement dans des regards acérés?

Les plus âgées ne sont pas en reste.

Jugeant celles-ci trop grosses, celles-là trop maigres. Mal fagotées, mal accompagnées, mal "baisées".

Mères trop dures, trop permissives, trop présentes, pas assez impliquées, donneuses de leçons (!!), prétentieuses, trop faibles, trop dures.

Trop jeunes pour... Passées de date...

Et, sans problème, elles ont des avis, qu'elles donnent, sur la supposée sexualité de Dame voisine, de la copine de Machine, de la cousine de Trucmuche... Célibataire ou divorcée, attention danger!

Celles ci l'ouvrent trop, celles là sont les carpettes.

Trop grandes, trop petites, trop blanches, trop bronzées, trop...

Pas assez dans la norme. Norme de fille bien? De femme correcte? De la mamie "à sa place"?

Je regarde ma fille et je me demande où, quand, comment, j'ai laissé "les femmes" peser autant sur elle (je sais aussi qu'elle a 16 ans, qu'elle est une femme en construction, que la confiance vient avec l'âge (perso je suis restée transparente si longtemps...)).

Je me demande: Être ou ne pas être une vraie fille?

10 commentaires:

  1. Voilà un sujet bien sensible. J'ai offert récemment un miroir en pied à Toutebelle pour qu'elle n'ait d'autre choix que se regarder, dans l'espoir qu'elle finisse par s'accepter et même s'aimer un peu. Notre société est folle de ses diktats, injonctions et jugements physiques. J'ai pratiqué un sport à haut niveau, aussi je connais le culte du corps délirant, mais aussi le bien-être physique lié à la pratique du sport. Toutebelle a un double héritage difficile pour cette société, qui fait qu'elle est aujourd'hui clairement en surpoids et le vit très mal. Elle est jolie, mais se trouve moche. En approchant les 40 ans j'ai été aimée par des hommes beaux et formidables, même quand j'étais clairement en obésité morbide, aussi je me sentais séduisante, ça a clairement boosté mon estime de soi. Aujourd'hui j'invite ma fille a avoir une activité physique régulière qui lui fasse plaisir et du bien, pour être en bonne santé, mais aussi à mettre en valeur ses nombreux atouts et à prendre soin d'elle sans ce contraindre à faire comme les autres filles. J'espère qu'avec le temps le reflet que lui renvoie son miroir lui fera du bien et l'aidera à s'aimer assez pour ne pas se préoccuper du regard de tous les autres, y compris moi.

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    1. Nos filles sont belles, cela ne fait aucun doute. Sauf pour elles. Apprendre à s'aimer n'est pas si facile.
      Le regard des autres est lourd tant qu'on lui donne de l'importance.

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  2. (fin du message précédent parti trop tôt)
    ... et heureusement le plus souvent j'y arrive !

    Par ailleurs je suis d'accord sur le fait que les filles jugent, cataloguent beaucoup, mais je pense que quand certains garçons s'y mettent ils sont redoutables aussi et peuvent faire des ravages sur l'amour propre de ces demoiselles, hélas.

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  3. Le collège est un lieu terrible. Les ados sont particulièrement méchants. Il faut être bien armé pour résister aux langues de vipères (ou le devenir).

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  4. Oui, certains garçons peuvent dire des choses assassines! Jugeant les filles comme de la marchandise, du "T'es bonne!", à "Cageot"...

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  5. En matière d'éducation je crois beaucoup en l'exemple. Je ne doute pas que mes enfants, comme les tiens, soient de bons humains.

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  6. A mon avis, le problème se situerait plutôt au n de la confiance en soi, l'estime de soi. Je reprends les termes d'une enseignante qui a créé au sein de son établissement des réseaux sentinelles contre le harcèlement : "une personnalité assez forte pour s'extraire des phénomènes de groupe et les mettre a distance"
    Etre une femme ne m'a jamais paru un ha

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    1. Bien sûr que c'est une question de confiance en soi.

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  7. oups ..parti trop vite
    Handicap ..C'est surtout le poids du regard des autres , quel que soit le sexe , qui pose problème :l'adolescence est une période de transition , , il faut etre conforme a ce que vos pairs attendent de vous, afin d'appartenir a un groupe, qui n'est plus le groupe familial , souvent plus empathique et bienveillant que cette jungle hétéroclite qui forme le collège unique . Les ados cherchent a s'identifier à des modèles, cassant parfois le moule parental.Faut il plus de caractère aux demoiselles? je n'en suis pas certaine; Les garçons doivent etre (au choix) poilus, sportifs, grands, bagarreurs, ..... En fonction des milieux dans lesquels ils évolueront , en fonction aussi des valeurs inculquées par l'entourage , ou aussi de l'exemple vécu a la maison, ils sauront laisser , j'espère pour eux, s'exprimer leur moi profond et s'assumer tels qu'ils sont réellement. Il choisiront des amis qui partageront leurs valeurs, sauront écarter ou s'écarter , de ceux avec lesquels ils ne partagent pas les modes de fonctionnement .
    Ne perdons pas confiance en nos enfants .

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    1. Oui, c'est tout à fait ça. Et j'ai une confiance absolue en mes enfants. En voyant les ainés qui sont devenus de chouettes adultes je sais qu'ils ont les ressources et qu'ils trouvent leur chemin hors des voies toutes tracées sans donner d'importance aux importuns.

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