samedi 10 septembre 2022

Jardins (projet pour Annaïg), ceux de ma vie.

Les premiers mois nous n'avions pas de jardin, je crois. Je suis née à Lille et mes parents étaient en appartement.

Alors mon premier jardin est celui de la maison de brique, l'une parmi les mêmes accolées dans la rue de Douai où nous habitions et où la famille s'est agrandie de trois petites sœurs.

Un jardin rangé entre ses voisins, comme un carré de sucre dans une boite. Bien délimité, entre ses murs et grillages, Bien aligné, légumes en rangs, de chaque coté de l'allée cimentée, festonnée du linge qui y séchait.

C'était le royaume de Caroline, la tortue, c'est à peu prés tout ce que j'en garde...

 
Le jardin suivant, à Marq-en-Baroeul, n'a été qu'une étape, pelouse, il me semble, pour accéder aux rues du quartier pavillonnaire (là aussi, maisons toutes identiques) où je faisais du vélo.

 
Puis il y eut le "jardin de curé", enserré de murs, entre l'école et la rivière, très polluée, d'Avesnes-sur-Helpes. J'allais y promener Titus, papa y faisait pousser des légumes. Pour aller au jardin il faillait descendre d'un étage, enfiler un couloir, le long des classes désertes, descendre quelques marches encore... La plupart du temps c'est dans la cour que nous jouions...

 
A cette époque, entre chaque clash, inévitables, avec ma grand mère, nous faisions des incursions dans le jardin de mes grands parents paternels (les maternels habitaient en appartement, avec une grande pelouse commune quand même).
C'était grand papa qui cultivait (et amendait. Avec le contenu de la cuve des toilettes retiré à la louche (une vraie louche géante, fixée à une perche en bois)) mais c'était grand maman qui dirigeait (comme, il me semble, tout dans leur vie). 
Il y avait une grande plate bande, terre soigneusement retournée, à nu, noire, entre quelques rosiers rigides, quelques buissons "décoratifs", un tamaris sinistre, même fleuri (son rose était passé, triste) et un potager. Le tout entrecoupé d'allées de terre battue qui m'impressionnaient (il fallait avoir drôlement piétiné pour arriver à un tel résultat!!!). 
De ce jardin j'ai le souvenir très vivant des cueillettes de framboises, de groseilles (fallait-il que j'ai été bien petite, les plants étaient plus grands que moi). Nous dévorions la récolte destinée aux confitures.
Plus tard, je me cachais dans le verger (qui était plutôt une peupleraie) pour faire des cabanes, pour lire à l'abri de la désapprobation de grand maman (lire: perdre son temps).

Depuis le jardin est "tombé" en de bonnes mains et s'est adouci de pelouses fleuries, le potager fourni rhubarbe, fraises, et tomates. Un cerisier pleureur y veille sur le souvenir de Bénou.

 
Du Nord nous avons déménagé dans les Alpes de Haute Provence où nous avons eu un parc pour jardin.
Ou plutôt nous avons eu un potager, arrosé, à tour de rôle, par l'eau de la rigole d'irrigation, dans un coin du parc de l'école normale où nous habitions. 
Pendant que nous, les filles, vivions des aventures formidables sous les cèdres du Liban géants, papa y cultivait salades radis, tomates... 

 
Juste avant de reprendre meubles et affaires pour une autre destination, mes parents ont acheté un terrain aride et limité au fond par un mur de galets. Ils ont fait construire la maison et ont commencé à planter. Ébauche de jardin. Qui évolue encore, 45 ans après...
Les amandiers des premiers temps, rescapés de l'ancien verger, sont morts, un olivier essaie d'y grandir, les troènes sont devenus géants, les iris couvrent les restanques patiemment montées, les murs empierrés, fleurissant au printemps sur les cendres de Bénou.
Le chêne centenaire, qui a longtemps accueilli la cabane (détruite quand elle est devenue dangereuse) sert d'abri au hamac d'Arthur et d'ombrage pour les apéros...
 
 
Papa a été nommé au Mans et c'est de nouveaux parcs que nous avons investi.
Le premier pour un an, n'était pas très glorieux. Il avait été transformé en parking... Notre "appartement" (sur trois niveaux) avait son propre jardin privé. Un jardinet en escalier, enserré entre le haut mur qui nous séparait de la rue et le bâtiment. Le seul arbre qui l’égayait était un figuier qui poussait sur le mur et écrasait l'escalier d'accès à la porte qui donnait sur la rue.
 
 
C'est à cette période que j'ai très souvent fréquenté le jardin de mon amie Annaïg. Celui que cultivait son papa. Un potager tout en longueur en plein milieu de la ville, juste derrière la petite maison. 
Nous jouions aux playmobils au milieu des plans de rhubarbe (qui servaient d'habitat aux bonhommes en plastique).

 
Papa n'a pas eu le temps de cultiver l'escalier/jardin avant que nous déménagions de nouveau pour un modèle relativement semblable, parc plus arboré, jardin en pente douce entre notre logement et le mur (qui nous séparait des voisins). Là c'était le saule pleureur qui nous servait de tonnelle. Et c'est la glycine centenaire qui nous entourait de ces branches et de son parfum. Papa avait eu quelques années pour prendre possession du bas du terrain et y cultiver son potager.
Quand nous l'avons quitté les lieux les nouveaux "locataires" ont fait abattre le saule et la glycine... Je suis certaine que cela leur a porté malheur.
 

Quand mes parents ont de nouveau déménagé je ne les ai pas suivis et je n'ai plus eu de jardin pendant un bon moment (eux non plus).
Mais, avec Gilles, nous étions mis à contribution pour quelques taches de déblaiement, de nettoyage, et profitions du jardin de Simone, ma belle mère.
Un jardin longtemps négligé, sous sa glycine envahissante, en pente, aménagé au fil du temps d'une terrasse bordée d'un mur ferraillé de bouts de vélos et trucs récupérés, que Simone avait transformé, quand elle a eu du temps, à la retraite, en un jardin charmant et très fleuri.
 
 
Avec Gilles nous avons eu un jardinet quand, juste après notre mariage, nous avons emménagé dans un logement de fonction à Lille. Un bout de terre noire triangulaire au pied des haut murs de briques. J'y ai semé des roses trémières, récupérées au Mans dans l'école où j'étais animatrice. Elles s'y sont plu. Je les ai vues fleuries année d'après quand j'ai fait un remplacement dans l'école dont dépendait le logement (que nous avions quitté assommés par les charges).

 
Puis nous sommes arrivés à Fortan.
Une cour gravillonnée et un bout de terrain tout en long devant. 
Un champ de luzerne derrière.
30 ans que nous sommes là.
30 ans de mains dans la terre, en parallèle de mains dans l'isolant, le placo, le plâtre, la peinture...
Le champ est devenu verger, pommiers, pêchers, cerisier, le domaine des poules.
La cour a perdu ses graviers (ouf!), des rosiers, des pivoines, des hibiscus, tiennent compagnie aux roses trémières (les descendantes de celles de Lille). Il y eu une piscine/patinoire, un tas de terre de remblais, pendant des années. L'une et l'autre ont fini par disparaitre. Des arbres ont été plantés, néflier, tilleul, figuier, cognassiers, au milieu desquels sèche le linge. Un polonia, un magnolia, un ginkgo biloba, un liquidambar vont grandir pour ombrager nos petits enfants...

 
Je rêve d'avoir du temps, comme Simone, pour "paysager" notre jardin.
Gilles aimerait du temps pour "bien" faire au potager.
Et je récolte chaque jour, en ce moment, les tomates sur lesquelles Gilles veille... Des groseilles, des framboises, des mûres, pour en faire des confitures.

 
Si nous n'avons pas fait de notre goût pour le jardin notre vie, deux de nos fils en ont fait leur métier. Jardiniers paysagistes.

 
Et quand nous partons parfois en vacances nous n'oublions pas de visiter les jardins.

 
D'apprécier les jardins.

 
Le jardin arboré et prolifique, potager envahi d'oxalis de Simon et Cynthia. Celui longtemps négligé de Victor et Emma. La pelouse au bord du parc de Colette. Le jardin enserré de coteaux de Valérie, celui serré entre les murs d'Anne, celui caché sous les feuilles de David, l'adorable de Jenny et Mane, la terrasse sous l'albizia de Danièle, celle suspendue de Sylvain et Stéphanie, les potagers fantastiques de Thomas et Valou, de Jean Marc, celui de Vava et Carole, celui de Nanette...

 
Le jardin ancien et en devenir d'Annaïg.

 
Un jardin proche, un jardin ami...

10 commentaires:

  1. Magnifique histoire de jardins :) Quand j'avais un immense balcon en Alberta, j'y cultivais parfois une jungle pendant l'été, avec fleurs et légumes dans tous les sens, pour mon plus grand bonheur et celui de mes chats aussi. Hélas, dès la mi-septembre, tout gelait et mourait, et il fallait recommencer à zéro l'année suivante. Mais ces "jardins éphémères étaient une joie et me manquent déjà beaucoup!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci! Retrouve un logement à ta mesure!!! Avec un espace à cultiver...

      Supprimer
  2. Bonjour du Finistère.
    Je me permets de mettre en lien le blog de ma sœur, passionnée de jardinage. http://scouarnec.eklablog.com/
    C'est un jardin pas très loin du bout du monde. Le jardin d'une rêveuse.

    RépondreSupprimer
  3. Le jardin de Jean Marc renaît doucement après avoir été totalement détruit au mois d'Aout par un orage de grêle !

    RépondreSupprimer
  4. Ce texte est une bouffée d'oxygène ! Il a fait vibrer agréablement tous mes sens !

    RépondreSupprimer
  5. J'aime beaucoup, très joli plaidoyer pour les jardins. Le sol est particulièrement bas pour moi, aussi je voulais faire un jardin-potager surélevé, je réfléchis aux avantages et inconvénients.

    RépondreSupprimer