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samedi 21 novembre 2015

A l'atelier,...

Consigne n°367 sur Kaléïdoplumes:
Voici une photo consigne suggérée par Sherkane (la photo est d'elle).
Écrivez un texte inspiré de cette photo.
Et... Voilà: 
Au bord du monde. 
Il y a comme un caresse sur ma nuque, un souffle. Et un sourire me vient. 
Douceur. Victor le berger est parti la semaine dernière. Et dans mon esprit il va pouvoir s'assoir sur cette terrasse, à cette table, avec Albert, mon père, pour discuter de la marche du monde. Le pédagogue et le paysan. Meneurs de troupeaux au cœurs immenses. Leurs vies n'auraient pu être plus différentes, plus dissemblables, et pourtant. Avec quelques années d'écart ils ont eu l'enfance libre des gosses de la campagne. Victor entre deux guerres, Albert naissant au début de la seconde. Tous deux purs produits de leur temps, façonnés par la volonté de faire bien. Faire bien pour Victor et il se battra contre l'envahisseur, courant le maquis. Et puis donnera de son temps, de sa personne, de ses idées, aux habitants de sa commune pour l'ouvrir au monde. Faire bien pour Albert ce fut échapper à sa mère, à la chape de la religion pour offrir aux autres sa capacité de travail au service d'une éducation ouverte, intelligente, démocratique, respectueuse. Le hasard d'une mutation, le désir d'aller vers l'autre et ils se sont croisés. Ils se sont assis et ils ont commencé à parler, à partager. Respect. Amitié. Presque 40 ans de fidélité que seule la mort d'Albert, si jeune encore, si plein de projets inachevés, sauver le monde, à mis en suspend. Victor a continué sa route jusqu'au grand âge, nous parlant d'Albert, de leurs dialogues, les continuant peut être dans sa tête, quand nous nous buvions un verre avec lui chaque été. Ils ont partagé les coups que la vie leur a asséné, la perte de si proches, l'inquiétude pour les leurs, pour ce monde à la dérive. Ils se sont réjouis d'un monde plus grand, plus multiple. Ils étaient des phares, des rocs qui disaient la force de la réflexion, de la curiosité, la joie de l'échange. 
Albert, Victor, après avoir effectué leur promenade, les mains dans le dos pour papa, le béret visé sur le crane pour Victor, le tour de leur "domaine", par les chemins caillouteux, dans les collines sèches et odorantes, vont s'assoir à cette table, l'un à droite, l'autre à gauche, tournés vers le monde. Le monde qu'il vont continuer à refaire, nous soufflant doucement: ...
..."Agissez, agissez, c'est vous qui donnerez du sens à l'avenir".

6 commentaires:

  1. tout fait du bien dans cet article. merci !

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  2. Merci pour ce texte décrivant avec réalité et émotion le comportement de l'un et l'autre. Je crois les voir tous les deux. Merci encore.

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    1. J'ai hésité à publier ce texte mais il a visiblement touché.

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  3. Joli et tellement à propos en ce moment ! Un beau moment de lecture, merci ! Tu nous racontes si bien ces deux destins qui se sont croisés .

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